Page:Gibbon - Histoire de la décadence et de la chute de l'Empire romain, traduction Guizot, tome 3.djvu/45

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d’art, que la superstition prenait toujours le masque du plaisir et souvent celui de la vertu[1]. Chez les Romains, quelques-unes des fêtes les plus sacrées avaient pour objet de célébrer les calendes de janvier, en prononçant solennellement des vœux pour la félicité publique et pour le bonheur des citoyens ; de rappeler le souvenir des morts, et d’attirer les regards des dieux sur la génération présente ; de poser les bornes invariables des propriétés ; de saluer, au retour du printemps, les puissances vivifiantes, qui répandent la fécondité ; de perpétuer ces deux ères mémorables de Rome, la fondation de la ville et celle de la république, et de rétablir, durant la licence bienfaisante des saturnales, l’égalité primitive du genre humain. On peut juger quelle devait être l’horreur des chrétiens pour ces cérémonies impies, par la scrupuleuse délicatesse qu’ils avaient montrée dans une occasion moins alarmante. Aux jours d’allégresse publique, les anciens avaient coutume d’orner leurs portes de lampes et de branches de laurier, et de ceindre leurs têtes de guirlandes de fleurs. Cet usage innocent, qui formait un spectacle agréable, aurait pu être toléré comme une institution purement civile ; mais il se trouvait malheureusement que les portes étaient sous la protection

  1. Voyez l’ouvrage le plus travaillé d’Ovide, ses Fastes, qui sont restés imparfaits. Il n’a fini que les six premiers mois de l’année. La compilation de Macrobe est appelée Saturnalia ; mais c’est une petite partie du premier livre seulement qui a quelque rapport à ce titre.