Page:Gibbon - Histoire de la décadence et de la chute de l'Empire romain, traduction Guizot, tome 3.djvu/82

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élégans, de superbes maisons, des meubles magnifiques, étaient supposés réunir le double crime de l’orgueil et de la sensualité. Un extérieur simple, un air mortifié convenait mieux au fidèle, qui, certain de ses péchés, doutait de son salut. En condamnant le luxe, les pères sont extrêmement minutieux, et entrent dans les plus petits détails[1]. Parmi les divers articles qui excitent leur pieuse indignation, on peut compter les faux cheveux, les habits de toute espèce de couleur, excepté le blanc, les instrumens de musique, les vases d’or et d’argent, les oreillers de duvet (puisque Jacob reposa sa tête sur une pierre), du pain blanc, des vins étrangers, les salutations publiques, l’usage des bains chauds ; et celui de se faire la barbe, pratique qui, selon l’expression de Tertullien, est un mensonge contre notre propre face, et une tentative impie pour perfectionner les ouvrages du Créateur[2]. Lorsque le christianisme s’introduisit dans le monde opulent et élégant, l’observation de ces lois singulières fut laissée, comme elle le serait à présent, à un petit nombre de gens qui ambitionnait une sainteté supérieure. C’est un mérite facile autant qu’agréable pour les derniers rangs de la société, que de mépriser la pompe et les plaisirs placés par la fortune au-dessus

  1. Voyez un ouvrage de saint Clément d’Alexandrie, intitulé le Pédagogue, et qui contient les élémens de morale enseignés dans les plus célèbres écoles des chrétiens.
  2. Tertullien, De spectaculis, c. 23 ; saint Clément d’Alexandrie, Pedag., l. III, c. 8.