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Page:Gibbon - Histoire de la décadence et de la chute de l'Empire romain, traduction Guizot, tome 3.djvu/81

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nouvelles connaissances, exercer sa raison ou son imagination, et se livrer sans défiance à tout l’abandon d’une conversation agréable. Les pères cependant avaient en horreur des occupations si contraires à la sévérité de leur conduite, ou ils ne les permettaient qu’avec la plus grande réserve. Ils méprisaient toutes les connaissances qu’ils jugeaient inutiles à l’œuvre du salut, et les discours frivoles leur paraissaient un abus criminel du don de la parole. Dans notre mode d’existence actuel, le corps est si étroitement uni avec l’âme, qu’il est de notre intérêt de jouir avec innocence et avec modération des plaisirs que peut goûter ce fidèle compagnon. Nos dévots prédécesseurs raisonnaient bien différemment : aspirant orgueilleusement à la perfection des anges, ils dédaignaient ou affectaient de dédaigner toute espèce de délices terrestres et corporelles[1]. Nos sens servent à la vérité, les uns à notre conservation, les autres à notre subsistance ; et il en est qui nous ont été donnés pour nous instruire. Il était donc impossible d’en condamner l’usage, mais l’abus commençait avec la première sensation du plaisir. Le candidat qui aspirait au ciel, se dépouillant de toute sensibilité, apprenait non-seulement à résister aux attraits grossiers du goût et de l’odorat, mais encore à fermer l’oreille à la profane harmonie des sons, et à contempler avec indifférence les productions les plus achevées de l’industrie humaine. Des habits

  1. Lactance, Instit. divin, l. VI, c. 20, 21, 22.