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Page:Gibbon - Histoire de la décadence et de la chute de l'Empire romain, traduction Guizot, tome 3.djvu/88

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rence indolente ou même criminelle pour le bien public les exposait au mépris et aux reproches des païens. On demandait aux partisans de la nouvelle secte quel serait le destin de l’empire, assailli par les Barbares, si tous les sujets adoptaient des sentimens si pusillanimes[1]. À cette question insultante les apologistes du christianisme répondaient en mots obscurs et équivoques[2]. Tranquilles dans l’attente

    à souffrir le martyre plutôt que d’avoir une lâche complaisance, ou renoncer ouvertement au service. (Apolog., c. 2, p. 127, in fine.) Il ne décide point positivement que le service militaire ne soit pas permis aux chrétiens ; il finit même par dire : Puta denique licere militiam usque ad causam coronæ. (Ibid., c. 11, p. 128.) Plusieurs autres passages de Tertullien prouvent que l’armée était pleine de chrétiens : Hesterni sumus et vestra omnia implevimus, urbes, insulas, castella, municipia, conciliabula, castra ipsa. (Apol., c. 37, p. 30.) Navigamus et nos vobiscum et militamus, etc. (Apol., c. 42, p. 34.) À la vérité, Origène (Cont. Cels., l. VIII) paraît être d’une opinion plus rigoureuse ; mais il a renoncé souvent à ce rigorisme exagéré, peut-être nécessaire alors pour produire de grands effets, et il parle de la profession des armes comme d’une profession honorable. (l. IV, c. 218, etc.) (Note de l’Éditeur.)

  1. Autant que nous en pouvons juger, d’après les fragmens de la représentation d’Origène (l. VIII, p. 423), il paraît que Celsus, son adversaire, avait insisté sur cette objection avec beaucoup de force et de bonne foi.
  2. Le refus de prendre part aux affaires publiques n’a rien qui doive étonner de la part des premiers chrétiens ; c’était la suite naturelle de la contradiction qui existait entre leurs principes et les usages, les lois, l’activité du monde païen : comme chrétiens, ils ne pouvaient entrer au sénat, qui, selon Gibbon lui-même, s’assemblait toujours dans un temple ou dans un lieu consacré, et où chaque sénateur, avant de s’asseoir, versait quelques gouttes de vin et brûlait