Page:Gibbon - Histoire de la décadence et de la chute de l'Empire romain, traduction Guizot, tome 4.djvu/38

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l’ambition de faire aux Romains un présent qui perpétuât le souvenir de sa reconnaissance et de sa générosité. Sa première idée fut d’imiter la statue équestre et colossale qu’il avait vue dans le forum de Trajan ; mais quand il eut mûrement pesé les difficultés de l’exécution[1], il préféra d’embellir la ville par le don d’un obélisque d’Égypte. Dans les siècles reculés, mais déjà policés, qui semblent avoir précédé l’invention de l’écriture alphabétique, les anciens souverains d’Égypte élevèrent un grand nombre de ces obélisques dans les villes de Thèbes et d’Héliopolis. Ils espéraient sans doute que la simplicité de leur structure et la dureté de leur substance les mettraient à l’abri des injures du temps et de la violence[2]. Plusieurs de ces extraordinaires colon-

  1. Hormisdas, prince réfugié de la Perse, fit observer à l’empereur que s’il faisait construire un pareil cheval, il lui faudrait aussi une semblable écurie, faisant allusion au forum de Trajan. On rapporte un autre bon mot d’Hormisdas. La seule chose qui lui avait déplu, disait-il, c’était de voir que les hommes mouraient à Rome tout comme ailleurs. Si nous adoptons dans le texte d’Ammien displicuisse, au lieu de placuisse, nous pouvons regarder cette plaisanterie comme un reproche qu’il faisait aux Romains de leur vanité. Le sens contraire serait la pensée d’un misanthrope.
  2. Lorsque Germanicus visita les anciens monumens de Thèbes, le plus ancien des prêtres lui expliqua le sens des hiéroglyphes. (Tacit., Ann. II, c. 60.) Mais il paraît probable qu’avant l’invention de l’alphabet, ces signes arbitraires ou naturels servaient de caractères aux Égyptiens.