Page:Gibbon - Histoire de la décadence et de la chute de l'Empire romain, traduction Guizot, tome 5.djvu/127

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avaient adopté cette funeste maxime, qu’ils pouvaient opprimer les peuples sans manquer à leur devoir envers le souverain. Un examen sévère de leur conduite aurait apaisé le mécontentement public, et la punition du meurtre de Gabinius pouvait seule rétablir la confiance des Barbares et l’honneur du nom romain ; mais le monarque présomptueux n’avait pas assez de grandeur d’âme pour oser avouer une faute ; oubliant la provocation, il ne se souvint que de son injure et entra dans le pays des Quades, altéré de sang et de vengeance. La cruelle justice des représailles lui parut, et parut peut-être aux yeux de l’univers, un motif suffisant pour autoriser des dévastations et des massacres dignes, d’une guerre de sauvages[1]. Telles furent la discipline des Romains et la consternation des Barbares, que Valentinien repassa le Danube sans perdre un seul de ses soldats. Comme il avait résolu d’achever la destruction des Quades dans une seconde campagne, il prit ses quartiers d’hiver à Brégétio, sur le Danube, dans les environs de Presbourg, ville de la Hongrie. Tandis que la rigueur de la saison suspendait les opérations de la guerre, les Quades essayèrent d’apaiser, par leurs soumissions, la colère de l’empereur, qui reçut leurs ambassadeurs dans son conseil, à la sollicitation

  1. Ammien, XXX, 5. Saint Jérôme, qui exagère le malheur de Valentinien, lui refuse la consolation de la vengeance. Genitali vastato solo et inultam patriam derelinquens (t. I, p. 26).