Page:Gibbon - Histoire de la décadence et de la chute de l'Empire romain, traduction Guizot, tome 5.djvu/185

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Quand ils eurent épuisé tous les autres moyens, ils vendirent, pour subsister, leurs enfans des deux sexes ; et, malgré l’amour de la liberté qui brûlait dans leurs cœurs, les Goths se soumirent à cette humiliante maxime, qu’il valait mieux que leurs enfans fussent nourris dans la servitude, que de les laisser mourir de faim dans l’indépendance. C’est un ressentiment bien vif que celui qu’excite la tyrannie d’un prétendu bienfaiteur, lorsqu’il exige encore de la reconnaissance pour un service qu’il a effacé par des injures. Un esprit de mécontentement s’éleva insensiblement dans le camp des Barbares fatigués de faire valoir sans succès le mérite de leur patience et de leur respect ; ils commencèrent à se plaindre hautement du traitement indigne qu’ils recevaient de leurs nouveaux alliés, et jetèrent autour d’eux les yeux sur ces riches et fertiles provinces au milieu desquelles on leur faisait souffrir toutes les horreurs d’une famine artificielle : mais ils avaient encore entre les mains des moyens de salut et même de vengeance, puisque l’avance de leurs tyrans, en les outrageant, leur avait laissé leurs armes. Les clameurs d’une multitude peu accoutumée à déguiser ses sentimens, annoncèrent les premiers symptômes de la résistance, et jetèrent l’épouvante dans l’âme timide et crimi-

    rement, et à regret, sur ces circonstances odieuses. Saint Jérôme, qui écrivit presque dans le temps de l’événement, est franc et clair, quoique concis. Per avaritiam Maximi ducis, ad rebellionem fame coacti sunt. (In Chron.)