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exempt de leurs vices monstrueux, et sa main ne se teignit jamais que du sang des animaux[1].

Mécontentement des troupes romaines. A. D. 383.

La conduite qui dégradait Gratien aux yeux de ses sujets n’aurait pas troublé la tranquillité de son règne, s’il n’eut point excité le ressentiment de son armée par des injures particulières. Tant qu’il fut guidé par les instructions de ses sages instituteurs, le jeune monarque se déclara l’ami et l’élève de ses soldats. Il causait dans le camp familièrement avec eux des heures entières, et semblait s’occuper avec soin de leur santé, de leurs besoins, de leurs récompenses et de tous leurs intérêts ; mais dès que Gratien fut livré à son ardente passion pour la chasse et les jeux de l’arc, il n’eut plus de relation qu’avec ceux dont l’adresse pouvait contribuer à ses plaisirs favoris. Il admit un corps d’Alains au service militaire et domestique du palais, et ils exercèrent dans les parcs et les enclos de la Gaule la dextérité surprenante qu’ils étaient accoutumés à déployer dans les plaines immenses de la Scythie. Gratien admirait les talens et les usages de ses gardes favoris, et leur confiait exclusivement la sûreté de sa personne ; et comme s’il eût voulu insulter à l’opinion publique, il se mon-

  1. Ammien (XXXI, 10) et Victor le jeune conviennent des vertus de Gratien, et lui reprochent seulement, ou plutôt déplorent des goûts qui l’abaissaient. Le parallèle odieux de Commode est adouci par licet incruentus ; et peut-être Philostorgius (l. X, c. 10) et Godefroy (p. 412) avaient-ils mis quelque réserve pareille à la comparaison avec Néron.