Page:Gibbon - Histoire de la décadence et de la chute de l'Empire romain, traduction Guizot, tome 5.djvu/329

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bogaste, et le judicieux Barbare consentit à régner sous le nom d’un Romain obscur. Il revêtit de la pourpre Eugène, professeur de rhétorique[1], qui, de la place de son secrétaire, était passé à celle de maître des offices. Le comte avait toujours été satisfait de l’attachement et de l’habileté d’Eugène dans le cours de ses services publics et particuliers. Le peuple estimait son érudition, son éloquence et la pureté de ses mœurs ; la répugnance avec laquelle il consentit à monter sur le trône, peut donner une opinion avantageuse de sa vertu et de sa modération. Les ambassadeurs du nouveau souverain partirent immédiatement pour la cour de Théodose, et lui communiquèrent, avec l’apparence de la douleur, la mort funeste de l’empereur Valentinien. Sans prononcer le nom d’Arbogaste, ils sollicitèrent le monarque de l’Orient de recevoir pour collègue légitime un citoyen respectable, appelé au trône par les suffrages unanimes des peuples et des armées de l’Occident[2]. Théodose fut justement irrité de

  1. Quem sibi Germanus famulum delegerat exul.

    Telle est l’expression dédaigneuse de Claudien (IV consul. Honor. 74). Eugène professait le christianisme ; mais il paraît assez probable (Sozomène, l. VII, c. 22 ; Philostorg., l. XI, c. 2), d’après son état de grammairien, qu’il était secrètement attaché au paganisme, et c’en était assez pour lui assurer l’amitié de Zosime (l. IV, p. 276, 277).

  2. Zosime (l. IV, p. 278) parle de cette ambassade, mais sans en dire le résultat ; il passe sur-le-champ à une autre histoire.