Page:Gibbon - Histoire de la décadence et de la chute de l'Empire romain, traduction Guizot, tome 5.djvu/351

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munit les empereurs contre la trompeuse éloquence de l’avocat de Rome. Dans cette controverse, saint Ambroise daigne emprunter le langage de la philosophie, et demander avec mépris pourquoi il serait nécessaire d’attribuer à un être invisible et imaginaire des victoires suffisamment expliquées par le courage et la discipline des légions. Il relève avec raison le ridicule d’un respect aveugle pour les institutions de l’antiquité, qui tend à décourager le progrès des arts, et à replonger la race humaine dans son ancienne barbarie. S’élevant ensuite peu à peu à un style plus haut et plus théologique, il prononce que le christianisme est la doctrine unique du salut et de la vérité, et que tous les autres cultes conduisent leurs prosélytes à travers les sentiers de l’erreur, dans l’abîme de la perdition éternelle[1]. Ces argumens, prononcés par un prélat favori, furent suffisans pour empêcher la restauration des autels de la Victoire ; mais ils eurent encore bien plus d’énergie

  1. Voyez saint Ambroise, t. II, épit. 17-18, p. 825-833. La première est un avertissement concis, et la dernière une réponse en forme à la requête ou au libelle de Symmaque. Les mêmes idées se trouvent exprimées plus en détail dans les poésies de Prudence, en supposant qu’elles méritent ce nom. Il composa deux livres contre Symmaque (A. D. 404), durant la vie de ce sénateur. Il est assez extraordinaire que Montesquieu (Considérations, etc., c. 19, tom. III, p. 487) néglige les deux principaux antagonistes de Symmaque, et s’amuse à rassembler les réfutations indirectes d’Orose, saint Augustin et Salvien.