Page:Gibbon - Histoire de la décadence et de la chute de l'Empire romain, traduction Guizot, tome 5.djvu/377

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peuple, dont toute la force vient de l’habitude et de l’imitation, ne peuvent guère avoir de fondemens solides que l’exercice du culte public. L’interruption de ce culte est capable d’opérer dans un petit nombre d’années l’ouvrage important d’une révolution nationale. Le souvenir des opinions théologiques ne se conserve pas long-temps privé du secours artificiel des prêtres, des temples et des livres[1]. Un vulgaire ignorant, dont l’imagination est en proie aux terreurs et aux espérances d’une aveugle superstition, se laissera facilement persuader par ses supérieurs de diriger ses vœux vers les dieux du siècle ; et son zèle s’enflammera insensiblement pour la défense et la propagation de la nouvelle doctrine que le seul besoin d’une religion l’avait forcé d’abord à recevoir. La génération qui vint au monde après la promulgation des lois impériales, se laissa sans peine attirer dans le sein de l’Église catholique, et la chute du paganisme fut en même temps si douce et si rapide, que, vingt-huit ans après la mort de Théodose, ses faibles restes n’étaient plus sensibles aux yeux du législateur[2].

Culte des martyrs chrétiens.

La ruine de la religion païenne est rapportée par

  1. Les Maures d’Espagne, qui professèrent secrètement, pendant plus d’un siècle, la religion mahométane sous la verge de l’inquisition, possédaient le Koran, et avaient entre eux l’usage exclusif de la langue arabe. Voyez l’histoire curieuse et fidèle de leur expulsion dans les Mélanges de Geddes, vol. I, p. 1-198.
  2. Paganos qui supersunt, quanquam jam nullos esse