Page:Gibbon - Histoire de la décadence et de la chute de l'Empire romain, traduction Guizot, tome 5.djvu/378

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les sophistes comme un prodige effrayant qui couvrit la terre de ténèbres et rétablit l’ancien règne du chaos et de la nuit. Ils racontent en style pompeux et pathétique, que les temples se convertirent en sépulcres, et que les domiciles sacrés, ornés naguère des statues des dieux, furent déshonorés par les reliques des martyrs chrétiens. « Les moines (race d’animaux immondes, auxquels Eunape est tenté de refuser le nom d’hommes) sont, dit-il, les auteurs de la nouvelle doctrine qui, à des divinités conçues par l’esprit, a substitué les plus méprisables esclaves. Les têtes salées et marinées de ces infâmes malfaiteurs que la multitude de leurs crimes a justement conduits à une mort ignominieuse, leur corps, où l’on voit encore les traces des fouets et des tortures ordonnées par les magistrats ; tels sont, ajoute Eunape, les dieux que la terre produit de nos jours ; tels sont les martyrs, les juges suprêmes des prières et des vœux adressés à la Divinité, et dont on respecte aujourd’hui les tombes comme des objets consacrés à la vénération des peuples[1] ». Sans approuver l’animosité du sophiste, il est assez naturel de partager sa surprise d’une révolution dont il fut le témoin, et qui éleva les victimes obscures des lois

    credamus, etc. Cod. Theod., l. XVI, tit. 10, leg. 22. A. D. 423. Théodose le jeune convint dans la suite que cette opinion avait été un peu prématurée.

  1. Voyez Eunape, dans la Vie du sophiste Ædesius. Dans celle d’Eustathe, il prédit la ruine du paganisme, καί τι μυθωδες, και αειδες σκοτος τυραννησει τα επι γης καλλιστα