Page:Gibbon - Histoire de la décadence et de la chute de l'Empire romain, traduction Guizot, tome 5.djvu/391

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long ou dangereux, ils suppliaient les saints martyrs d’être leurs guides et leurs protecteurs dans la route ; et s’ils revenaient sans avoir essuyé d’accident, ils se hâtaient encore d’aller aux tombes des martyrs, célébrer, avec toutes les expressions de la reconnaissance, leurs obligations envers le nom et les reliques de ces protecteurs célestes. Tous les murs étaient garnis de symboles des faveurs qu’ils avaient reçues. Des yeux, des mains et des pieds d’or et d’argent, représentaient les services rendus aux fidèles ; et des tableaux édifians, qui ne pouvaient manquer de donner lieu bientôt aux abus d’une dévotion indiscrète et idolâtre, offraient aux yeux l’image, les attributs et les miracles du saint. Un même esprit de superstition devait suggérer, dans les temps et les pays les plus éloignés, des moyens semblables de tromper la crédulité et de frapper les sens de la multitude[1]. On ne peut disconvenir que les ministres de la religion catholique n’aient imité le modèle profane qu’ils étaient impatiens de détruire. Les plus respectables prélats s’étaient persuadés que des paysans grossiers renonceraient plus facilement au paganisme, s’ils trouvaient quelque ressemblance, quelque compensation dans les cérémonies du christianisme. La religion de Constantin acheva en moins d’un siècle la

  1. On peut trouver dans les diverses superstitions, depuis le Japon jusqu’à Mexico, des ressemblances qui n’ont pu être le fruit de l’imitation. Warburton a saisi cette idée, qu’il a dénaturée en la rendant trop générale et trop absolue. (Div. legat., t. IV, p. 126, etc.)