Page:Gibbon - Histoire de la décadence et de la chute de l'Empire romain, traduction Guizot, tome 5.djvu/396

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ses nombreuses fonctions, liées si essentiellement avec tout le système du gouvernement civil, il acquit la confiance d’un souverain qui découvrit en peu de temps sa diligence et sa capacité dans les affaires, et ignora long-temps la fausseté, l’orgueil et l’avidité de son favori. Il déguisait soigneusement ses vices sous le masque de la plus profonde dissimulation[1], et ses passions étaient toujours au service de celles de son maître. Cependant, dans le massacre odieux de Thessalonique, le barbare Rufin enflamma la colère de Théodose, et n’imita point son repentir. Cet homme, qui regardait le reste des humains avec une indifférence dédaigneuse, ne pardonnait jamais la plus faible apparence d’une injure, et en devenant son ennemi, on perdait à ses yeux tous les droits que pouvaient avoir acquis des services rendus à l’état. Promotus, maître général de l’infanterie, avait sauvé l’empire en repoussant l’invasion des Ostrogoths ; mais il souffrait avec indignation la prééminence d’un rival dont il méprisait le caractère et la profession. Le fougueux soldat, irrité de l’arrogance du favori, s’emporta jusqu’à le frapper au milieu du conseil. On représenta cet acte de violence à l’empereur comme une insulte personnelle, que sa dignité ne lui permettait pas de laisser impunie. Promotus fut instruit de sa disgrâce et de son exil par l’ordre péremptoire qu’il reçut de se retirer

  1. Un passage de Suidas peint sa profonde dissimulation : βαθυγνωμων ανθρωπος και κρυψινος