Page:Gibbon - Histoire de la décadence et de la chute de l'Empire romain, traduction Guizot, tome 5.djvu/415

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son rival, dont il avait mérité la haine ; il voyait, avec une terreur toujours croissante, s’écouler le peu de temps qui lui restait à jouir de la vie et de la grandeur ; il essaya, comme dernier moyen de salut, d’interposer l’autorité d’Arcadius. Stilichon, qui paraît avoir dirigé sa marche le long des bords de la mer Adriatique, n’était pas éloigné de la ville de Thessalonique quand il reçut les ordres absolus de l’empereur qui rappelait les troupes de l’Orient, et lui signifiait, à lui en particulier, que s’il avançait plus loin, la cour de Byzance regarderait sa démarche comme un acte d’hostilité. L’obéissance prompte et inattendue du général de l’Occident, fut, dans l’opinion du peuple, un garant de sa fidélité et de sa modération ; mais comme il avait déjà réussi à s’affectionner les troupes de l’Orient, il remit à leur zèle l’exécution du sanglant projet qui pouvait s’accomplir en son absence avec moins de danger peut-être et d’une manière moins odieuse. Stilichon céda le commandement des troupes de l’Orient à Gainas le Goth, dont la fidélité ne lui était point suspecte ; il était sûr du moins que l’audacieux Barbare ne serait arrêté dans son entreprise ni par la crainte, ni par le remords. Les soldats consentirent facilement à immoler l’ennemi de Stilichon et de Rome ; et l’odieux Rufin était tellement l’objet de la haine générale, que le secret funeste, confié à des milliers de soldats, fut fidèlement gardé durant une longue marche, depuis Thessalonique jusques aux portes de Constantinople. Dès qu’ils eurent résolu sa mort,