Page:Gibbon - Histoire de la décadence et de la chute de l'Empire romain, traduction Guizot, tome 5.djvu/416

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ils ne refusèrent plus de flatter son orgueil. Le préfet ambitieux se laissa persuader que ces puissans auxiliaires se détermineraient peut-être à le décorer du diadème ; et leur multitude indignée reçut, moins comme un don que comme une insulte, les trésors qu’il répandit à regret et trop tard. Les troupes firent halte environ à un mille de la capitale, dans le champ de Mars, et en face du palais d’Hebdomon. L’empereur et son ministre s’avancèrent pour saluer respectueusement, selon l’ancienne coutume, la puissance qui soutenait le trône. Tandis que Rufin passait le long des rangs, et déguisait avec soin son arrogance naturelle sous un air d’affabilité, les ailes se serrèrent insensiblement de droite et de gauche, et la victime dévouée se trouva environnée d’un cercle d’ennemis armés. Sans lui laisser le temps de réfléchir sur le danger de sa position, Gainas donna le signal du meurtre ; un soldat plus audacieux et plus ardent que les autres plongea son épée dans le cœur du coupable préfet ; Rufin tomba en gémissant, et expira aux pieds du monarque effrayé. Si la douleur d’un moment pouvait expier les crimes de toute une vie ; si les horreurs commises sur un corps inanimé pouvaient être un objet de compassion, notre humanité souffrirait peut-être des affreuses circonstances qui suivirent le meurtre de Rufin. Son corps déchiré fut abandonné à la fureur de la populace des deux sexes, qui sortait par bandes de tous les quartiers de Constantinople pour fouler aux pieds le ministre impérieux, dont, quelques heures auparavant, un signe