Page:Gibbon - Histoire de la décadence et de la chute de l'Empire romain, traduction Guizot, tome 5.djvu/418

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moins les lois de la nature et de la société, profanait la majesté du prince, et renouvelait les exemples dangereux de la licence militaire. En contemplant l’ordre et l’harmonie de l’univers, Claudien s’était convaincu de l’existence d’un Dieu créateur ; mais le triomphe du vice lui paraissait en contradiction avec la Divinité ; et le sort de Rufin fut le seul événement qui pût faire cesser les doutes du poète[1]. La mort du préfet, si elle vengea l’honneur de la Providence, contribua peu au bonheur des peuples ; ils apprirent, environ trois mois après, à connaître les maximes de la nouvelle administration, par la publication d’un édit qui confisquait la dépouille entière de Rufin au profit du trésor impérial, et imposait silence, sous peine de punition exemplaire, à toutes les réclamations des victimes de sa tyrannie[2]. Stilichon lui-même ne tira point du meurtre de son rival l’avantage qu’il s’en était proposé. Il satisfit sa vengeance, mais son ambition fut trompée. Sous le nom de favori, la faiblesse d’Arcadius avait besoin d’un maître ; mais il préféra naturellement la complaisante bassesse de l’eunuque Eutrope, à qui

  1. Voyez le superbe exorde de sa satire contre Rufin que le sceptique Bayle a soigneusement discutée, Dictionnaire critique, Rufin, note e.
  2. Voyez Cod. Théodos., l. IX, tit. 42, leg. 14, 15. Les nouveaux ministres voulaient, dans l’inconséquence de leur avarice, se saisir des dépouilles de leurs prédécesseurs, et pourvoir en même temps, pour l’avenir, à leur propre sûreté.