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le secours du roi des Francs par la promesse de ce don magnifique. Lorsqu’il eut pris possession du trône d’Espagne, le prince goth le remit à regret aux ambassadeurs de Dagobert, mais le fit reprendre sur la route ; et, après avoir long-temps négocié pour convenir d’une rançon, il donna la somme, relativement très-modique, de deux cent mille pièces d’or, et conserva le missorium comme le plus glorieux ornement du trésor des rois goths[1]. Lorsque les Arabes conquirent l’Espagne et pillèrent ce trésor, ils trouvèrent une curiosité encore plus précieuse dont ils ont admiré et célébré la magnificence : c’était une table fort grande, formée d’une seule émeraude[2], entourée de trois rangs de perles, soutenue par trois cent soixante-cinq pieds d’or massif, incrustés de pierres précieuses, et estimée à la valeur de cinq cent mille pièces d’or[3].

  1. Consultez les témoignages originaux dans les historiens de France, t. II ; Fredegarii, scholastici Chron., c. 73, p. 441 ; Fredegar., Fragment. 3, p. 463 ; Gesta regis Dagobert., c. 29, p. 587. L’avènement de Sisenand au trône d’Espagne date A. D. 631. Dagobert employa les deux cent mille pièces d’or à la fondation de l’église de Saint-Denis.
  2. Le président Goguet (Origine des Lois, etc., t. II, p. 239) pense que ces émeraudes d’une grandeur si extraordinaire, les statues et les colonnes que l’antiquité prétend avoir existé en Égypte, à Cadix et à Constantinople, n’étaient que des compositions de cristal coloré. Le fameux plat d’émeraude que l’on montre à Gènes pourrait, à ce qu’on croit, confirmer ce soupçon.
  3. Elmacin, Hist. Saracenica, l. I, p. 85 ; Roderic Tolet