Page:Gibbon - Histoire de la décadence et de la chute de l'Empire romain, traduction Guizot, tome 6.djvu/112

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

la proclamation de l’empereur légitime étonnèrent également les deux partis rebelles. Gerontius, abandonné de ses troupes, s’enfuit sur les frontières d’Espagne, et sauva son nom de l’oubli, par le courage vraiment romain qu’il fit paraître dans ses derniers momens. Au milieu de la nuit, un corps nombreux de ses perfides soldats environna et attaqua sa maison, qu’il avait fortement barricadée. N’ayant avec lui que sa femme, un intrépide Alain de ses amis, et quelques esclaves fidèles, il se servit avec tant de courage et d’adresse d’un amas de dards et de flèches, que trois cents des assaillans perdirent la vie. Au point du jour, toutes les armes étant épuisées, ses esclaves prirent la fuite, et Gerontius aurait pu les suivre, s’il n’eût été retenu par l’amour conjugal. Les soldats, irrités d’une défense si opiniâtre, mirent le feu aux quatre coins de la maison. Dans cette extrémité funeste, il se rendit aux pressantes instances du brave Alain, et lui abattit la tête. La femme de Gerontius le suppliant de la délivrer d’une vie de misère et d’ignominie, tendit la gorge à ses coups. Cette scène tragique fut terminée par la mort du comte, qui, après s’être frappé trois fois inutilement de son épée, tira un court poignard et se l’enfonça dans le cœur[1]. Maxime, abandonné de son

  1. Les louanges que Sozomène a données à cet acte de désespoir sont étranges et scandaleuses dans la bouche d’un ecclésiastique : il observe (p. 379) que la femme de Gerontius était chrétienne, et que sa mort fut digne de sa religion et digne d’une gloire immortelle.