Page:Gibbon - Histoire de la décadence et de la chute de l'Empire romain, traduction Guizot, tome 6.djvu/117

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étaient récemment devenus les alliés ; et Attale, monarque dégradé, qu’ils réservaient dans leur camp, à jouer, selon l’occasion, le personnage de musicien ou celui d’empereur. Cependant, dans un moment d’humeur dont on ne découvre ni la date ni la cause, Adolphe entra en pourparler avec l’usurpateur de la Gaule, et chargea Attale de l’humiliante commission de négocier un traité qui confirmait sa propre ignominie. Nous lisons encore avec étonnement, qu’au lieu de considérer l’alliance des Goths comme le plus ferme appui de son trône, Jovinus réprimanda en termes obscurs et ambigus, l’officieuse importunité d’Attale ; que méprisant les avis de son puissant allié, il revêtit son frère Sébastien de la pourpre, et qu’il accepta très-imprudemment les services de Sarus, lorsque ce brave soldat d’Honorius quitta, dans un mouvement de colère, la cour d’un prince qui ne savait ni punir ni récompenser. Adolphe, élevé dans une nation de guerriers qui regardaient la vengeance comme le plus doux des plaisirs et le plus sacré des devoirs, s’avança, suivi de dix mille Goths, à la rencontre de l’ennemi héréditaire de la maison des Balti, et le surprit accompagné, pour toute escorte, de dix-huit ou vingt de ses intrépides compagnons. Unie par l’amitié, animée par le désespoir, mais à la fin écrasée par la multitude, cette petite troupe de héros mérita l’estime des ennemis, sans obtenir leur compassion ; et dès que le lion fut dans les lacs, on lui arracha la vie[1].

  1. On peut prendre l’expression presque à la lettre ;