Page:Gibbon - Histoire de la décadence et de la chute de l'Empire romain, traduction Guizot, tome 6.djvu/116

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d’Arles, avant que Constantin eût quitté la pourpre, on apprit dans le camp impérial que Jovinus, couronné à Mayence, dans la Haute-Germanie, à l’instigation de Goar, roi des Alains, et de Guntiarius, roi des Bourguignons, s’avançait des bords du Rhin vers ceux du Rhône, à la tête d’une nombreuse armée de Barbares. La courte histoire du règne de Jovinus est extraordinaire et obscure dans toutes ses circonstances. On devait naturellement supposer qu’un général habile et courageux, à la tête d’une armée victorieuse, ne craindrait point d’exposer au sort d’une bataille les droits légitimes d’Honorius. La retraite précipitée de Constance fut sans doute déterminée par de fortes raisons ; mais il abandonna sans un seul combat la possession entière de la Gaule, et Dardanus, préfet du prétoire, est cité comme le seul magistrat qui ait refusé de se soumettre à l’usurpateur[1]. Quand les Goths, deux ans après le siége de Rome, établirent leurs quartiers dans la Gaule, on pouvait croire que leurs inclinations ne seraient partagées qu’entre l’empereur Honorius, dont ils

  1. Sidonius-Apollinaris, l. V, epist. 9, p. 139 ; et les notes de Sirmond, p. 58. Après avoir répandu le blâme sur l’inconstance de Constantin, la facilité de Jovinus et la perfidie de Gerontius, il observe que les vices de tous ces usurpateurs se trouvaient réunis dans la personne de Dardanus. Cependant ce préfet conserva une réputation honorable dans le monde et même dans l’Église. Il entretint une pieuse correspondance avec S. Jérôme et avec S. Augustin, et le premier lui donna (t. III, p. 66) les épithètes de christianorum nobilissime et de nobilium christianissime.