Page:Gibbon - Histoire de la décadence et de la chute de l'Empire romain, traduction Guizot, tome 6.djvu/181

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vrirent le Bosphore ; de brillantes illuminations éclairèrent les côtes de l’Europe et de l’Asie, et les acclamations d’un peuple victorieux accompagnèrent depuis le port jusqu’à la cathédrale la rentrée triomphante de l’archevêque. Le prélat consentit trop légèrement à reprendre l’exercice de ses fonctions avant que sa sentence eût été révoquée par un synode ecclésiastique. Ignorant ou méprisant le danger, saint Chrysostôme suivit l’ardeur de son zèle ou peut-être de son ressentiment, déclama avec violence contre les vices des femmes, et condamna les honneurs profanes qu’on accordait à la statue de l’impératrice presque dans l’enceinte de Sainte-Sophie. Ses ennemis profitèrent de cette imprudence pour irriter l’orgueilleuse Eudoxie, en lui rapportant ou en inventant ce fameux exorde attribué à l’un des sermons de saint Chrysostôme : « Hérodias reprend sa fureur, Hérodias recommence à danser ; elle demande une seconde fois la tête de Jean. » Comme femme et comme souveraine, elle ne pouvait pardonner cette insolente allusion[1]. Durant le court intervalle d’une trêve perfide, on concerta des moyens plus sûrs pour consommer sans retour la ruine de l’archevêque. Un concile nombreux d’évê-

  1. Voyez Socrate, l. VI, c. 18 ; Sozomène, l. VIII, p. 20. Zosime (l. V, p. 324-327) parle en termes généraux de ses invectives contre l’impératrice Eudoxie. L’homélie qui commence par ces expressions fumeuses est rejetée comme controuvée. Montfaucon, tom. XIII, p. 151 ; Tillemont, Mém. ecclés., t. XI, p. 603.