Page:Gibbon - Histoire de la décadence et de la chute de l'Empire romain, traduction Guizot, tome 6.djvu/217

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peut regarder avec raison comme les derniers des Romains : ils auraient pu, en réunissant leurs efforts, soutenir encore l’empire chancelant. La perte de l’Afrique fut la suite funeste de leur jalousie et de leurs divisions. Ætius s’est immortalisé par la défaite d’Attila ; et quoique le temps ait jeté un voile sur les exploits de son rival, la défense de Marseille et la conquête de l’Afrique attestent les talens militaires du comte Boniface. Il était la terreur des Barbares, soit sur un champ de bataille, dans les rencontres ou dans les combats singuliers ; le clergé et particulièrement son ami saint Augustin, admirèrent la piété chrétienne qui avait donné un moment à Boniface le désir de se retirer du monde. Le peuple estimait son intégrité, et les soldats craignaient l’inflexibilité de sa justice, dont nous pouvons citer un exemple assez bizarre. Un paysan accusa sa femme, au tribunal de Boniface, d’un commerce criminel avec un soldat barbare : on le remit à l’audience du lendemain. Dans l’après-midi, le comte, qui s’était soigneusement informé de l’heure et du lieu du rendez-vous, fit rapidement un trajet de dix milles, surprit les coupables, punit sur-le-champ le soldat de mort, et imposa le lendemain silence au

    ap. Phot. 196 ; et dans saint Augustin, ap. Tillemont, Mém. ecclés., t. XIII, p. 712-715, 886. L’évêque d’Hippone déplore la chute de son ami, qui, après avoir fait solennellement vœu de chasteté, épousa en secondes noces une femme de la secte arienne, et qui était en outre soupçonné d’avoir plusieurs concubines dans sa maison.