Page:Gibbon - Histoire de la décadence et de la chute de l'Empire romain, traduction Guizot, tome 6.djvu/241

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daient d’accepter, furent condamnés à quitter leur patrie pour toujours. Rome, l’Italie et les provinces d’Orient se remplirent d’une foule de fugitifs, d’exilés et d’illustres captifs qui sollicitaient la compassion publique ; et les Épîtres du sensible Théodoret ont fait passer jusqu’à nous les noms de Célestien et de Marie[1]. L’évêque de Syrie déplore les malheurs de Célestien, noble Carthaginois qui, dépouillé du rang de sénateur et d’une fortune considérable, se voyait réduit avec sa femme, ses enfans et ses domestiques, à mendier son pain dans un pays étranger ; mais il applaudit à la pieuse résignation de cet exilé chrétien, et à son caractère philosophique, qui lui conservait, au milieu de ses infortunes, un bonheur plus réel que celui dont on jouit d’ordinaire au sein de la prospérité. L’histoire de Marie, fille du magnifique Eudemont, est intéressante et singulière. Dans le sac de Carthage, les Vandales la vendirent à des marchands de Syrie, qui la revendirent dans leur pays. Une des servantes de Marie, prise et vendue avec elle à Carthage, se trouvait sur le même vaisseau, et fut achetée par le même maître en Syrie. Toujours également respectueuse pour une maîtresse que le sort condamnait à partager son esclavage, elle lui continua, par attachement, les soins qu’elle lui avait rendus précédemment par obéissance. Cette conduite fit connaître le rang de Marie ; et dans

  1. Ruinart (p. 444-457) a tiré de Théodoret et de quelques autres auteurs, les aventures réelles ou fabuleuses des habitans de Carthage.