Page:Gibbon - Histoire de la décadence et de la chute de l'Empire romain, traduction Guizot, tome 6.djvu/253

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petits yeux enfoncés, un nez aplati, quelques poils au lieu de barbe, de larges épaules, une taille courte et carrée, un ensemble mal proportionné, mais qui annonçait la force et la vigueur. La démarche fière et le maintien du roi des Huns annonçaient le sentiment de sa supériorité sur le reste du genre humain ; et on le voyait habituellement rouler les yeux d’un air féroce, comme pour jouir de la terreur qu’il inspirait. Cependant ce héros sauvage n’était point inaccessible à la pitié ; il tenait inviolablement sa parole aux ennemis supplians qui obtenaient leur pardon ; et les sujets d’Attila le regardaient comme un maître équitable et indulgent. Il aimait la guerre ; mais, lorsque parvenu à un âge mûr, il fut monté sur le trône, la conquête du Nord fut plutôt l’ouvrage de son génie que celui de ses exploits personnels ; et il échangea sa réputation de soldat audacieux contre la réputation plus utile d’un heureux et habile général. La valeur personnelle obtient de si faibles succès partout ailleurs que dans les romans ou dans la poésie, que la victoire, même chez les Barbares, doit dépendre du degré d’intelligence avec lequel un seul homme sait exciter et diriger, pour le succès de ses projets, les passions violentes de la multitude. Les conquérans de la Scythie, Attila et Gengis-Khan, étaient moins supérieurs à leurs compatriotes par le courage que par le génie ; et l’on peut observer que les monarchies des Huns et des Mongoux furent élevées par leurs fondateurs sur la base de la superstition populaire. La conception