Page:Gibbon - Histoire de la décadence et de la chute de l'Empire romain, traduction Guizot, tome 6.djvu/271

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les serruriers, les charpentiers, les armuriers, etc., étaient beaucoup plus utiles à un peuple errant, qu’ils fournissaient d’ustensiles pour la paix et d’armes pour la guerre. Les médecins étaient particulièrement l’objet de leur vénération. Quoique les Huns méprisassent la mort, ils craignaient les maladies ; et la fierté du vainqueur disparaissait devant un captif à qui il supposait le pouvoir de lui sauver ou de lui prolonger la vie[1]. Un Barbare pouvait maltraiter, dans un moment de colère, l’esclave dont il était le maître absolu ; mais les mœurs des Huns n’admettaient pas un système d’oppression, et ils récompensaient souvent par le don de la liberté, le courage ou l’activité de leur captif. L’historien Priscus[2], dont l’ambassade offre une source féconde d’instructions, fut accosté dans le camp d’Attila par un étranger qui le salua en langue grecque, mais dont la figure et l’habillement annonçaient un riche habitant de la Scythie. Au siége de Viminiacum, il avait perdu, comme

  1. Philippe de Comines, dans son admirable tableau des derniers momens de Louis XI (Mém., l. VI, c. 12), peint l’insolence de son médecin, qui en moins de cinq mois arracha à l’avarice de ce sombre tyran cinquante-quatre mille écus et un riche évêché.
  2. Priscus (p. 61) exalte l’équité des lois romaines, qui protégeaient la vie des esclaves. Occidere solent, dit Tacite en parlant des Germains, non disciplinâ et severitate, sed impetu et irâ, ut inimicum, nisi quod impune. (De Moribus Germ., c. 25.) Les Hérules, sujets d’Attila, réclamèrent et exercèrent le droit de vie et de mort sur leurs esclaves. On en voit un exemple frappant dans le livre II d’Agathias.