Page:Gibbon - Histoire de la décadence et de la chute de l'Empire romain, traduction Guizot, tome 6.djvu/272

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il le raconta lui-même, sa fortune et sa liberté. Onegesius, dont il devint l’esclave, récompensa les services qu’il lui rendit contre les Romains et contre les Acatzires, en l’élevant au rang des guerriers nés parmi les Huns, auxquels il s’était attaché depuis par les liens du mariage et de la paternité. La guerre lui avait rendu avec usure la fortune qu’elle lui avait enlevée ; son ancien maître l’admettait à sa table, et l’apostat grec bénissait une captivité qui l’avait conduit à une situation heureuse et indépendante, et sans autre charge que l’honorable devoir de porter les armes pour son nouveau pays. Son récit fut suivi d’une discussion sur les avantages et sur les défauts du gouvernement romain, que l’apostat censurait avec véhémence, et que Priscus ne défendit que par de faibles et prolixes déclamations. L’affranchi d’Onegesius peignit des plus vives couleurs les vices d’un empire chancelant, vices dont il avait été si long-temps la victime ; la cruelle absurdité des empereurs, qui, trop faibles pour protéger leurs sujets, leur refusaient des armes pour se défendre ; le poids excessif des contributions, rendu encore plus insupportable par des modes de perception ou compliqués ou arbitraires ; l’obscurité d’une foule de lois qui se détruisaient mutuellement, les formalités lentes et ruineuses de la justice, et la corruption générale qui augmentait l’influence du riche et aggravait l’infortune du pauvre. Un sentiment d’amour de la patrie se ranima un instant dans le cœur de cet heureux exilé, et il déplora, en versant un torrent de