Page:Gibbon - Histoire de la décadence et de la chute de l'Empire romain, traduction Guizot, tome 6.djvu/357

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mière fois son épée, la plongea dans le sein d’un général qui avait sauvé l’empire. Ses eunuques et ses courtisans se disputèrent l’honneur d’imiter leur maître, et Ætius, percé de plus de cent coups, expira en sa présence. Dans le même instant, on assassinait Boëthius, préfet du prétoire ; et avant que la nouvelle pût se répandre, les principaux amis du patrice furent mandés au palais et massacrés séparément. L’empereur, déguisant cette action atroce sous les noms spécieux de justice et de nécessité, en instruisit ses soldats, ses sujets et ses alliés. Les nations qu’aucune alliance n’intéressait au sort d’Ætius, ou qui le redoutaient comme ennemi, déplorèrent généreusement l’indigne mort d’un héros. Les Barbares qui avaient été personnellement attachés à son service, dissimulèrent leur douleur et leur ressentiment ; et le mépris public dont Valentinien avait été si long-temps l’objet, se convertit en une horreur profonde et universelle. Ces sentimens pénètrent rarement à travers les murs des palais ; cependant l’empereur entendit avec confusion la réponse ferme d’un Romain dont il n’avait pas dédaigné de solliciter l’approbation. « J’ignore, lui dit-il, quels ont été vos griefs, mais je sais que vous avez agi comme un homme qui se sert de sa main gauche pour se couper la main droite[1]. »

  1. Ætium Placidus mactavit semivir amens, dit Sidonius, Panegyr. Avit. 359. Le poète connaissait le monde, et n’était point disposé à flatter un ministre qui avait outragé