Page:Gibbon - Histoire de la décadence et de la chute de l'Empire romain, traduction Guizot, tome 6.djvu/39

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

Les bibliothéques qu’ils ont héritées de leurs pères sont fermées comme des sépulcres, et le jour n’y pénètre jamais[1] ; mais ils font fabriquer pour leur usage de dispendieux instrumens de théâtre, des flûtes, d’énormes lyres, des orgues hydrauliques ; et les palais de Rome retentissent sans cesse de la voix des chanteurs et du son des instrumens. Dans ces palais, on préfère le son au bon sens, et l’on s’occupe beaucoup plus du corps que de l’esprit. On y adopte pour maxime que le plus léger soupçon d’une maladie contagieuse est une excuse qui dispense les plus intimes amis de se rendre visite ; et si, dans ces occasions, l’on envoie par décence un domestique savoir des nouvelles, il ne rentre dans la maison qu’après s’être purifié par un bain. Cependant cette crainte égoïste et pusillanime cède, dans l’occasion, à l’avarice, passion plus impérieuse encore. L’espoir du moindre gain conduira jusqu’à Spolète un sénateur riche ; et l’espoir d’une succession ou même d’un legs fait disparaître l’arrogance et la fierté. Un citoyen riche et sans enfans est le plus puissant des Romains. Ils sont très-experts dans l’art d’obtenir la signature d’un testament favorable, et même de hâter

    jusqu’à Alexandre-Sévère. Voyez Gérard Vossius, De Hist. latin., l. II, c. 3, dans ses Œuvres, vol. IV, p. 57.

  1. Il y a probablement de l’exagération dans cette satire. Les Saturnales de Macrobe et les Épîtres de saint Jérôme prouvent d’une manière incontestable qu’un grand nombre de Romains des deux sexes et du premier rang cultivaient la littérature classique et la théologie chrétienne.