Page:Gibbon - Histoire de la décadence et de la chute de l'Empire romain, traduction Guizot, tome 6.djvu/40

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le moment de la jouissance. Il est arrivé que, dans la même maison, le mari et la femme ont appelé séparément chacun son notaire dans un appartement différent, et, dans la louable intention de se survivre l’un à l’autre, ont fait au même instant des dispositions tout-à-fait opposées. La détresse, qui est la suite et la punition d’un luxe extravagant, réduit souvent ces nobles orgueilleux aux plus honteux expédiens. S’agit-il d’emprunter, ils deviennent bas et rampans comme l’esclave dans la comédie ; mais quand le malheureux créancier réclame son argent, ils prennent le ton tragique et impérieux des petits-fils d’Hercule ; si le demandeur les importune, ils obtiennent aisément d’un des vils agens de leurs plaisirs une accusation de poison ou de magie contre le créancier insolent, qui sort rarement de prison sans avoir donné quittance de toute la dette. Aux vices honteux dont les Romains sont infectés, se joint une superstition ridicule qui déshonore leur jugement. Ils écoutent avec crédulité les prédictions des aruspices, qui prétendent lire dans les entrailles d’une victime les signes de leur grandeur future et de leur prospérité ; il s’en trouve un grand nombre qui n’oseraient ni prendre le bain, ni dîner, ni paraître en public avant d’avoir consulté avec soin, selon les règles de l’astrologie, la position de Mercure et l’aspect de la lune[1]. Il est assez plaisant de décou-

  1. Macrobe, l’ami de ces nobles Romains, considère les étoiles comme la cause, ou au moins comme l’indice certain des événemens futurs. De Somn. Scip., l. I, c. 19. p. 68.