Page:Gibbon - Histoire de la décadence et de la chute de l'Empire romain, traduction Guizot, tome 6.djvu/448

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une place honorable dans l’histoire de la guerre contre les Ostrogoths, qui fut terminée par deux batailles sanglantes et la défaite totale des Scyrres, dont les restes se dispersèrent[1]. Leur intrépide chef ne survécut point aux malheurs de sa nation : il laissa deux fils, Onulf et Odoacre, aux prises avec l’adversité, et réduits à chercher dans le pillage ou dans un service étranger, les moyens de faire subsister les compagnons de leur exil. Onulf tourna ses pas vers Constantinople, où il déshonora la gloire de ses armes par le meurtre de son bienfaiteur. Son frère Odoacre mena quelque temps une vie errante parmi les Barbares de la Norique ; l’intrépidité de son caractère et sa situation le disposaient à tenter les entreprises les plus hardies. Lorsqu’il eut fait un choix, il visita pieusement la cellule de saint Severin, le saint en crédit dans le canton, pour solliciter son approbation et sa bénédiction. La porte était basse, et la taille élevée d’Odoacre l’obligea de se courber ; mais à travers l’humilité apparente de cette attitude, le saint aperçut les signes de sa grandeur future, et s’adressant à lui d’un ton prophétique : « Poursuivez votre dessein, lui dit-il, allez en Italie ; vous vous dépouillerez bientôt de ce grossier vête-

  1. Jornandès, c. 53, 54, p. 692-696. M. du Buat (Hist. des Peuples de l’Europe, t. VIII, p. 221-228) a expliqué clairement l’origine et les aventures d’Odoacre. Je suis porté à croire que ce fut lui qui pilla Angers, et qui commandait la flotte des pirates saxons sur l’Océan. Saint Grég. de Tours, l. II, c. 18, t. II, p. 170.