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monastique ; et l’expérience apprit bientôt aux solitaires que rien ne mortifiait la chair et n’éteignait aussi efficacement les désirs impurs que les jeûnes fréquens et la sobriété habituelle[1]. Leurs abstinences n’étaient pas continuelles, et les règles n’en étaient pas uniformes ; mais les mortifications extraordinaires du carême compensaient amplement les réjouissances de la Pentecôte. La ferveur des nouveaux monastères se relâcha insensiblement ; et l’appétit vorace des Gaulois ne s’accoutuma point aux jeûnes des sobres et patiens Égyptiens[2]. Les disciples de saint Antoine et de saint Pachome se contentaient

  1. Saint Jérôme fait connaître en termes expressifs, mais indiscrets, quel est le principal effet des jeûnes et de l’abstinence : Non quòd Deus universitatis creator et Dominus intestinorum nostrorum rugitu, et inanitate ventris pulmonisque ardore delectetur, sed quod aliter pudicitia tuta esse non possit. (Op., t. I, p. 137, ad Eustochium.) Voyez les douzième et vingt-deuxième Conférences de Cassien, De castitate et de illusionibus nocturnis.
  2. Edacitas in Græcis gula est, in Gallis natura. Dial. I, c. 4, p. 521. Cassien avoue qu’il est impossible d’observer strictement l’abstinence dans la Gaule, et il en donne pour raison : Aerum intemperies, et qualitas nostræ fragilitatis. (Instit. IV, 11.) Parmi les institutions de l’Occident, la plus austère est la Règle de Colomban, Irlandais. Élevé au milieu d’un pays pauvre, il avait été soumis par la nécessité à une règle plus austère et plus inflexible peut-être que toutes les vertus qui prescrivaient l’abstinence aux moines de l’Égypte. La Règle d’Isidore de Séville est plus douce ; elle permet de manger de la viande les jours de fêtes.