Page:Gibbon - Histoire de la décadence et de la chute de l'Empire romain, traduction Guizot, tome 6.djvu/493

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cellules qui formaient un cercle à quelque distance autour du couvent. Excités par les louanges et l’émulation, ces ermites renchérissaient les uns sur les autres en austérités extravagantes[1]. Ils succombaient sous le poids des chaînes et des croix, et se chargeaient le corps, le cou, les bras et les jambes d’anneaux et de plaques de fer d’un poids énorme et scellés autour de leurs membres amaigris ; ils rejetaient avec mépris tout vêtement superflu, et l’on a même admiré des saints des deux sexes dont la nudité n’était couverte que par la longueur de leurs cheveux. Ils semblaient jaloux de se réduire à l’état sauvage et misérable qui assimile l’homme au reste des animaux. Une nombreuse secte d’anachorètes de la Mésopotamie tira son nom de l’habitude qu’ils avaient de pâturer dans les champs avec les troupeaux[2]. Ils s’emparaient du repaire d’une bête sauvage et s’efforçaient de lui ressembler ; ils s’ensevelissaient dans de sombres cavernes creusées dans le roc, soit par la nature ou la main des hommes. On trouve encore dans les carrières de la Thébaïde

    une description de ces cellules. Quand Gérasime fonda son monastère dans le désert du Jourdain, il fut environné d’une laura de soixante-dix cellules.

  1. Théodoret, dans un énorme volume (le Philothée, in vit. Patrum, l. IX, p. 793-863), a rassemblé la vie et les miracles de trente anachorètes. Evagrius (l. I, c. 12) fait un éloge plus concis des ermites de la Palestine.
  2. Sozomène, l. VI, c. 33. Le grand saint Éphrem a fait le panégyrique de ces moines βοσκοι ou moines broutans. Tillemont, Mém. ecclés., t. VIII, p. 292.