Page:Gibbon - Histoire de la décadence et de la chute de l'Empire romain, traduction Guizot, tome 6.djvu/89

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de tous les âges, qui excitaient la compassion par le souvenir de leur ancienne opulence[1]. L’affreuse catastrophe de Rome répandit dans tout l’empire la crainte et la douleur. Le contraste touchant de la grandeur et de la misère disposait le peuple à exagérer le malheur de la reine des cités. Le clergé, qui appliquait aux événemens récens les métaphores orientales des prophètes, était quelquefois tenté de confondre la destruction de la capitale avec la dissolution du globe.

Sac de Rome par les troupes de Charles V.

Il existe chez tous les hommes un penchant à se grossir les malheurs du temps où ils vivent, et à s’en dissimuler les avantages. Cependant, lorsque le calme fut un peu rétabli, les plus savans et les plus judicieux des écrivains contemporains furent obligés d’avouer que le dommage réel occasionné par les Goths était fort au-dessous de celui que Rome avait souffert dans son enfance[2], lorsque les Gaulois s’en étaient emparés. L’expérience de onze siècles a fourni à la postérité un parallèle bien plus singulier, et elle peut affirmer avec confiance que les

  1. Voyez les lamentations pathétiques de saint Jérôme, t. V, p. 400, dans sa préface au second livre de ses Commentaires sur le prophète Ézéchiel.
  2. Orose établit cette comparaison sans pouvoir cependant se dépouiller de toute partialité théologique (l. II, c. 19, p. 142 ; l. VII, c. 39, p. 575). Mais dans l’histoire de la prise de Rome par les Gaulois tout est incertain et peut-être fabuleux. Voyez Beaufort sur l’incertitude, etc., de l’Histoire romaine, p. 356 ; et Melot, Mémoires de l’Acad. des Inscript., t. XV, p. 1-21.