Page:Gibbon - Histoire de la décadence et de la chute de l'Empire romain, traduction Guizot, tome 7.djvu/240

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insurgens, surtout les Verts, avaient reçu des armes et de l’argent d’Hypatius et de Pompée, qui ne pouvaient ni oublier avec honneur, ni se souvenir sans crainte qu’ils étaient neveux de l’empereur Anastase. Le monarque, capricieux et inquiet, leur ayant montré de la confiance et les ayant ensuite disgraciés pour leur pardonner bientôt, ils s’étaient présentés en fidèles serviteurs au pied du trône, où ils furent détenus en otages durant les cinq jours de l’émeute. Les craintes de Justinien l’emportèrent à la fin sur sa prudence ; et ne voyant plus Hypatius et Pompée que comme des espions et peut-être comme des assassins, il leur ordonna sévèrement de sortir du palais. Après lui avoir représenté vainement que l’obéissance pouvait les conduire à un crime involontaire, ils se retirèrent dans leurs maisons. Le matin du sixième jour, Hypatius se vit environné et saisi par le peuple, qui, sans égard pour sa vertueuse résistance et les larmes de sa femme, transporta son nouveau favori au Forum de Constantin, où, au défaut d’une couronne, on plaça sur sa tête un riche collier. Si l’usurpateur, qui se fit ensuite un mérite de ses délais, eût alors adopté l’avis du sénat et pressé la fureur de la multitude, l’irrésistible effort de ses partisans aurait détrôné Justinien. Le palais de Byzance jouissait d’une libre communication avec la mer ; des navires attendaient au bas de l’escalier des jardins, et l’on avait résolu secrètement de conduire l’empereur, sa famille et ses trésors, dans un lieu sûr, à quelque distance de la capitale.