Page:Gibbon - Histoire de la décadence et de la chute de l'Empire romain, traduction Guizot, tome 7.djvu/326

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rieuses, craignaient la mer, le climat et les armes d’un ennemi inconnu. Les ministres des finances calculaient, autant qu’ils pouvaient calculer, les frais d’une guerre d’Afrique, les taxes qu’il faudrait imaginer et percevoir pour satisfaire à des demandes sans bornes, et tremblaient de payer de leur vie ou du moins par la perte d’un emploi lucratif, l’insuffisance des résultats de leurs mesures. Jean de Cappadoce, inspiré par ces motifs personnels, car on ne peut le soupçonner du moindre zèle pour le bien public, osa s’opposer, en plein conseil, aux penchans de son maître. Il avoua qu’on ne pouvait trop payer une victoire si importante ; mais il fit sentir avec force les difficultés certaines de cette entreprise et l’incertitude de l’événement. « Vous voulez assiéger Carthage, dit le préfet ; par terre, ce royaume est éloigné de cent quarante journées ; par mer, une année entière[1] doit s’écouler avant que vous puissiez recevoir des nouvelles de votre flotte. Quand l’Afrique serait soumise, pour la garder il faudrait conquérir la Sicile et l’Italie. Le succès vous imposerait de nouveaux travaux, et un seul revers attirerait les Barbares au sein de votre empire épuisé. »

  1. Une année ! quelle absurde exagération ! La conquête de l’Afrique peut être fixée à l’an 533, le 14 septembre. Justinien la vante dans la préface de ses Institutes, qui furent publiées le 21 novembre de la même année. Ce calcul pourrait s’appliquer avec plus de justesse à la distance de nos possessions dans l’Inde, en comprenant le voyage et le retour.