Page:Gibbon - Histoire de la décadence et de la chute de l'Empire romain, traduction Guizot, tome 8.djvu/121

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bares d’avoir excité le peuple à renverser les statues du grand Théodoric ; et cette vénérable matrone eut payé de sa vie l’insulte faite à la mémoire du roi des Goths, sans le respect qu’inspirèrent à Totila sa naissance, ses vertus, et même le pieux motif de sa vengeance. Il prononça le lendemain deux discours, dont l’un contenait les éloges et les avertissemens adressés à ses Goths victorieux ; dans l’autre, il traita les sénateurs comme les plus vils des esclaves ; il leur reprocha leur parjure, leur folie et leur ingratitude ; et il déclara, d’un ton sévère, que leurs biens et leurs dignités étaient à juste titre acquis à ses compagnons d’armes. Cependant il consentit à oublier leur révolte ; et pour reconnaître sa clémence, les sénateurs adressèrent à leurs tenanciers et à leurs vassaux des lettres circulaires où ils leur enjoignaient expressément d’abandonner les enseignes des Grecs, de cultiver en paix leurs terres, et d’apprendre de leurs maîtres à obéir au roi des Goths. Il fut inexorable pour la ville qui avait arrêté si long-temps le cours de ses victoires ; il fit démolir, en différens endroits environ un tiers de ses murailles ; il préparait des feux et des machines pour détruire ou renverser les plus beaux monumens de l’antiquité ; et l’univers apprit avec effroi qu’un décret allait changer Rome en un pâturage pour les troupeaux. Les remontrances fermes et modérées de Bélisaire suspendirent l’exécution de cet arrêt. Il exhorta le prince barbare à ne pas souiller sa gloire par la destruction de ces monumens qui honoraient les morts et charmaient les vivans ; et