Page:Gibbon - Histoire de la décadence et de la chute de l'Empire romain, traduction Guizot, tome 8.djvu/122

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Totila, d’après les conseils d’un ennemi, se détermina à conserver Rome pour servir d’ornement à son empire, ou comme un précieux gage de paix et de réconciliation. Lorsqu’il eut déclaré aux envoyés de Bélisaire sa résolution d’épargner la ville, il plaça une armée à cent vingt stades des murs, afin d’observer les mouvemens du général romain. Il s’avança avec le reste de ses forces dans la Lucanie et dans la Pouille, et occupa, au sommet du Garganus[1], un des camps d’Annibal[2]. Les sénateurs furent traînés à sa suite, et bientôt après resserrés dans les forteresses de la Campanie ; les citoyens, leurs femmes et leurs enfans, partirent pour le lieu de leur exil ; et durant quarante jours, Rome n’offrit qu’une affreuse solitude[3].

  1. Le mont Garganus, aujourd’hui le mont Saint-Angelo, dans le royaume de Naples, se prolonge à trois cents stades dans la mer Adriatique. (Strab., l. VI, 436.) Il avait été célèbre dans les siècles d’ignorance par les apparitions, les miracles et l’église de l’archange saint Michel. Horace, né dans la Pouille ou la Lucanie, avait vu les chênes et les ormes s’agiter en mugissant par la violence du vent de nord qui soufflait sur cette côte élevée. (Carmin. II, 9 ; epist. II, 1, 201.)
  2. Je ne puis déterminer exactement la position de ce camp d’Annibal ; mais les Carthaginois campèrent long-temps et souvent aux environs d’Arpi. (Tite-Live, XXII, 9, 12 ; XXIV, 3, etc.)
  3. Totila… Romam ingreditur… ac evertit muros, domos aliquantas igni comburens, ac omnes Romanorum res in prædam accepit, hos ipsos Romanos in Campaniam captivos abduxit. Post quam devastatianem, XL aut am-