Page:Gibbon - Histoire de la décadence et de la chute de l'Empire romain, traduction Guizot, tome 8.djvu/123

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

Bélisaire reprend Rome. A. D. 547. Février.

Rome fut bientôt reprise par une de ces actions que l’opinion publique qualifie quelquefois, selon l’événement, de téméraires ou d’héroïques. Après le départ de Totila, Bélisaire sortit du port à la tête de mille cavaliers : il tailla en pièces ceux des ennemis qui osèrent le combattre, et visita avec compassion et avec respect les ruines désertes de la ville éternelle. Résolu de garder un poste qui attirait les regards du monde entier, il appela la plus grande partie de ses troupes auprès de l’étendard qu’il éleva sur le Capitole. L’amour de la patrie et l’espoir d’y trouver de la nourriture y ramena les anciens habitans ; et les clefs de Rome furent envoyées une seconde fois à l’empereur Justinien. La partie des murs démolie par les Goths fut réparée avec des matériaux grossiers et mal assortis ; on refit le fossé ; on garnit les chemins d’une multitude de pointes de fer pour blesser les pieds des chevaux[1] ; et comme on ne pouvait se procurer sur-le-champ de nouvelles portes, l’entrée fut gardée, à la manière des Spartiates, par un

    plius dies, Roma fuit ita desolata, ut nemo ibi hominum, nisi (nullæ ?) bestiæ morarentur. (Marcellin, in Chron., p. 54.)

  1. Les tribuli (chausse-trappes ou chevaux de frise) sont de petites machines de fer à quatre pointes, l’une fixée en terre, et les trois autres élevées verticalement ou d’une manière oblique. (Procope, Gothic., l. III, c. 24 ; Juste-Lipse, Poliorcète, ων, l. V, c. 3.) Ces machines ont pris le nom de tribuli de la chausse-trappe ou chardon étoilé, plante qui porte un fruit épineux, et qui est commune en Italie. (Martin, ad Virgil. Georg. I, 153, vol. II, p. 33.)