Page:Gibbon - Histoire de la décadence et de la chute de l'Empire romain, traduction Guizot, tome 8.djvu/126

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captifs devant le trône de Justinien. Son âge ne ralentissait point sa valeur. L’expérience avait mûri sa sagesse ; mais il semble que son humanité et sa justice cédèrent à l’empire des circonstances. La parcimonie ou la pauvreté de l’empereur le força à s’écarter de ces règles qui lui avaient mérité l’amour et la confiance des Italiens. Il ne se soutint, durant cette dernière guerre, qu’en opprimant Ravenne, la Sicile et tous les fidèles sujets de l’empire ; et sa sévérité envers Hérodien, soit qu’elle fût injuste ou méritée, porta cet officier à livrer Spolette à l’ennemi. L’avarice d’Antonina, distraite autrefois par l’amour, la dominait alors tout entière. Bélisaire lui-même avait toujours pensé que dans un siècle corrompu, les richesses soutiennent et embellissent le mérite personnel ; et on ne peut imaginer qu’il souilla son honneur pour les intérêts publics sans s’approprier une partie des dépouilles. Il avait échappé au glaive des Barbares ; mais le poignard des conjurés l’attendait à son retour[1]. Après avoir châtié le tyran de l’Afrique, Artaban, comblé d’honneurs et de richesses, se plaignit de l’ingratitude des cours. Il aspira à la main de Præjecta, nièce de l’empereur, qui désirait de récompenser son libérateur ; mais son mariage antérieur était un obstacle que fit valoir la piété de Théodora. Les flatteurs irritaient en lui l’orgueil

  1. Proc. (Gothic., l. III, c. 31, 32) raconte cette conspiration avec tant de liberté et de bonne foi dans son Histoire publique, qu’il n’a rien ajouté de plus dans les Anecdotes.