Page:Gibbon - Histoire de la décadence et de la chute de l'Empire romain, traduction Guizot, tome 8.djvu/127

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

d’une extraction royale ; et le service dont il se faisait un titre annonçait assez qu’il était capable d’actions audacieuses et sanguinaires. Il résolut la mort de Justinien ; mais les conjurés la différèrent jusqu’à l’instant où ils pourraient surprendre Bélisaire désarmé et sans escorte dans le palais de Constantinople. On n’espérait pas de vaincre sa fidélité si long-temps éprouvée ; et on craignait avec raison la vengeance ou plutôt la justice de ce vieux général, qui pouvait assembler promptement une armée dans la Thrace, punir les assassins, et peut-être jouir du fruit de leurs crimes. Le délai donna lieu à des confidences indiscrètes et à des aveux qu’arracha le remords. Le sénat condamna Artaban et ses complices : la clémence de Justinien ne leur infligea d’autre peine que celle de les détenir prisonniers dans son palais, jusqu’au moment où il pardonna cet attentat contre son trône et sa vie. Si l’empereur pardonnait ainsi à ses ennemis, il dut embrasser cordialement un ami dont on ne se rappelait alors que les victoires, et que rendait plus cher à son prince le danger commun qui venait de les menacer. Bélisaire se reposa de ses travaux dans le rang élevé de général de l’Orient et de comte des domestiques ; et les plus anciens des consuls ou des patriciens cédèrent respectueusement la préséance à l’incomparable mérite du premier des Romains[1].

  1. Les honneurs accordés à Bélisaire sont rappelés avec joie par son secrétaire Procope. (Goth., l. III, c. 35 ; l. IV, c. 21.) Le titre Στρατηγος est mal traduit, du moins en cette occasion, par præfectus prætorio ; et comme il s’agit