Page:Gibbon - Histoire de la décadence et de la chute de l'Empire romain, traduction Guizot, tome 8.djvu/203

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

tait sur son tribunal, il annonçait par la voix du crieur, et faisait inscrire sur une muraille blanche les règles qu’il se proposait de suivre dans la décision des cas douteux, et les adoucissemens que son équité pourrait lui permettre d’apporter à la rigueur précise des anciens statuts. Ainsi s’introduisit dans la république le principe d’une grande latitude dans les pouvoirs, principe qui eût été beaucoup plus analogue à l’esprit de la monarchie. Les préteurs perfectionnèrent peu à peu l’art, en respectant le nom des lois, de se soustraire à leur efficacité : on trouva moyen, par des subtilités et des fictions, d’éluder les expressions les plus claires des décemvirs ; et lors même que le but de ces interprétations se trouvait salutaire, les moyens étaient souvent absurdes. On souffrait que les vœux secrets ou présumés des morts l’emportassent sur l’ordre des successions et la forme des testamens ; et le prétendant qui ne pouvait se présenter comme héritier, n’en recevait pas avec moins de satisfaction les biens de son parent ou de son bienfaiteur, qu’il devait alors à la facilité d’un préteur indulgent. Dans les jugemens en réparation d’injures particulières, les dispositions rigoureuses de la loi des Douze-Tables, désormais hors d’usage, étaient remplacées par des amendes, et des suppositions imaginaires anéantissaient le temps et l’espace ; le prétexte de la jeunesse, de la fraude ou de la violence, suffisait pour annuller un contrat onéreux ou dispenser de son exécution. Une juridiction si vague et si arbitraire était sujette aux abus