Page:Gibbon - Histoire de la décadence et de la chute de l'Empire romain, traduction Guizot, tome 8.djvu/213

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dans une sorte d’esclavage. Quelques officiers de la classe du peuple trahirent enfin ces utiles mystères : un siècle plus éclairé suivit ; en les tournant en ridicule, les formes qu’on donnait à la loi, et l’usage ainsi que l’intelligence de cette langue primitive se perdirent enfin dans cette antiquité qui l’avait d’abord consacrée[1].

Succession des jurisconsultes.

Au reste les sages de Rome, qu’on peut regarder avec plus d’exactitude comme les auteurs de la loi civile, cultivèrent un art plus libéral. L’altération survenue dans l’idiome et les mœurs des Romains rendait le style des Douze-Tables moins familier à chaque nouvelle génération, et les commentaires des jurisconsultes appliqués à l’étude des anciens règlemens n’expliquaient que d’une manière imparfaite les passages douteux. Il était plus noble et plus important d’éclaircir l’ambiguité des lois, d’en circonscrire l’effet, de faire l’application des principes et d’en tirer toutes les conséquences, d’indiquer les contradictions réelles ou apparentes : ainsi le domaine de la législation passa insensiblement entre les mains de ceux qui expliquaient les anciens statuts. Leurs subtiles interprétations concoururent avec l’équité du préteur à réformer ce pouvoir tyrannique exercé par les âges d’ignorance. Une jurisprudence artificielle,

  1. Cicéron, dans son discours pour Murena (c. 9-13), tourne en ridicule les formes et les mystères des gens de loi, rapportés avec plus de bonne foi par Aulu-Gelle (Nuits Attiques, XX, 10), Gravina (Opp., p. 265, 266, 267) et Heineccius (Antiq., l. IV, tit. 6).