Page:Gibbon - Histoire de la décadence et de la chute de l'Empire romain, traduction Guizot, tome 8.djvu/26

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le butin et le bétail qui auraient retardé la marche de ces farouches vainqueurs[1]. Il faut peut-être réduire le nombre de leurs atrocités ; peut-être en a-t-on exagéré les horribles détails, et peut-être furent-ils excusés quelquefois par le terrible droit de représailles. Lorsque les Esclavons assiégèrent Topirus[2], poussés à bout par la défense obstinée de cette place, ils y massacrèrent quinze mille hommes : toutefois ils épargnèrent les femmes et les enfans, et ils retenaient toujours les captifs les plus précieux pour les employer au travail, ou en tirer une rançon. La servitude de ces captifs n’était pas rigoureuse ; et leur délivrance, qu’ils obtenaient bientôt, s’achetait à un prix modéré. Comme sujet et historien de Justinien, Procope a exhalé sa juste indignation sous la forme de la plainte ou du reproche ; il ne craint pas d’assurer que, dans un règne de trente-deux ans, chacune des incursions annuelles des Barbares enleva deux cent mille hommes à l’Empire romain. La population entière de la Turquie européenne, qui embrasse à peu près les provinces de Justinien, n’offre

  1. Les cruautés des Esclavons sont racontées ou exagérées par Procope (Goth., l. III, c. 29, 38). Nous pouvons, sur la douceur et la générosité de leur conduite envers leurs prisonniers, citer l’autorité un peu plus récente de l’empereur Maurice (Stratagem., l. II, c. 5).
  2. Topirus était située près de Philippes, dans la Thrace ou la Macédoine, en face de l’île de Thasos, et à douze journées de Constantinople. (Cellarius, t. I, p. 676, 840.)