Page:Gibbon - Histoire de la décadence et de la chute de l'Empire romain, traduction Guizot, tome 8.djvu/425

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ration dans une lutte entre les citoyens du même empire. Les vertus rigides et parcimonieuses de Maurice avaient aliéné dès long-temps le cœur de ses sujets. Comme il marchait pieds nus à la tête d’une procession religieuse, une grêle de pierres tomba sur lui, et ses gardes furent obligés de présenter leurs masses de fer pour garantir sa personne. Un moine fanatique courait les rues, l’épée à la main, en déclarant que Dieu irrité avait condamné l’empereur ; un vil plébéien, revêtu des ornemens impériaux, fut assis sur un âne et poursuivi par les imprécations de la multitude[1]. Le prince conçut quelque inquiétude de l’affection que portaient à Germanus les soldats et les citoyens ; il craignait, il menaçait, mais il différait de frapper : Germanus se réfugia dans une église, le peuple se souleva en sa faveur : les gardes abandonnèrent les murs, et durant le tumulte de la nuit, la ville, où l’on ne connaissait plus de frein, fut livrée aux flammes et au pillage. L’infortuné Maurice se jeta avec sa femme et ses neuf enfans dans une petite barque ; il voulait se sauver sur la côte d’Asie, mais la force du vent le réduisit à débarquer près de l’église de Saint-Autonomus[2], aux

  1. Le peuple de Constantinople, dans ses clameurs contre Maurice, le flétrit du nom de Marcionite ou de Marcioniste ; hérésie, dit Théophylacte (l. VIII, c. 9), μετα τινος μωρας ευλαβειας, ευηθης τε και καταγελασ‌τος. Était-ce un reproche vague, ou bien Maurice avait-il réellement écouté quelque obscur prédicant de la secte des anciens gnostiques ?
  2. L’église de Saint-Autonomus, que je n’ai pas l’hon-