Page:Gibbon - Histoire de la décadence et de la chute de l'Empire romain, traduction Guizot, tome 8.djvu/94

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et ses bracelets garnis de perles et de pierreries. L’envoyé de Justinien fléchit les genoux ; le Negus le releva, l’embrassa, baisa le sceau, et lut la lettre de l’empereur, accepta l’alliance des Romains en brandissant ses armes, et déclara une guerre éternelle aux adorateurs du feu ; mais il éluda ce qui regardait le commerce de la soie ; et malgré les assurances et peut-être les vœux des Abyssins, ces menaces d’hostilités s’exhalèrent sans aucun effet. Les Homérites ne voulaient pas abandonner leurs bocages parfumés pour se porter dans un désert de sable et braver toutes sortes de fatigues, afin de combattre une nation redoutable qui ne les avait point offensés. Loin d’étendre ses conquêtes, le roi d’Éthiopie ne put garder ses possessions. Abrahah, esclave d’un négociant romain établi à Adulis, s’empara du sceptre des Homérites ; les avantages du climat séduisirent les troupes d’Afrique, et Justinien sollicita l’amitié de l’usurpateur, qui reconnut, par un léger tribut, la suprématie du prince. Après une longue suite de prospérités, la puissance d’Abrahah fut renversée devant les portes de la Mecque ; ses enfans furent dépouillés par le roi de Perse, et les Éthiopiens entièrement chassés du continent de l’Asie. Ces détails sur des événemens obscurs et éloignés ne sont pas étrangers à la décadence et à la chute de l’empire romain. Si une puissance chrétienne s’était maintenue en Arabie, elle eût étouffé Mahomet dès ses premiers pas, et l’Abyssinie aurait empêché une