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voile est ce qui leur convient — « quod decet ».

— Alors que signifie ce que vous me disiez tout à l’heure ? cet argument qui me paraissait pertinent, en faveur de la vénusté du beau sexe.

— J’allais examiner avec vous si l’on ne pouvait pas raisonner ainsi : Tandis que la femelle choisissait et pour ainsi dire disposait de la sélection, nous avons vu la sélection travailler donc en faveur du mâle ; réciproquement c’est sans doute en faveur de la femme qu’elle travaille, puisque à présent c’est l’homme qui choisit.

— D’où le triomphe de la vénusté féminine ; oui c’est bien là ce que j’avais compris.

— Avec tant de précipitation que je n’ai pu pousser plus loin mon idée. Je m’apprêtais alors à vous faire observer ceci : tandis que, parmi les animaux, l’efflorescence du mâle ne se peut transmettre qu’au mâle, les femmes cependant transmettent certainement la plupart de leurs caractères y compris la beauté, à leurs enfants des deux sexes (la phrase est de Darwin[1]). De sorte que les hommes les plus forts, en s’emparant des plus belles épouses, c’est à la beauté de la race qu’ils travaillent, mais non pas plus à la beauté de leurs filles que de leurs garçons.

— Faites attention à votre tour que raisonnant ainsi, plus vous diminuerez la beauté de la femme au profit de la beauté masculine, plus triomphant montrerez-vous l’instinct qui pourtant me rend celle-ci préférable.

— Ou plus opportun le secours de l’ornement et du voile.

  1. Descendance de l’homme.