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sexuelle de la poésie bucolique grecque et latine, où, plus ou moins facticement, prétendent revivre les naïves mœurs d’Arcadie[1].

— La poésie bucolique a commencé d’être factice du jour où le poète a cessé d’être amoureux du berger. Mais sans doute faut-il y voir aussi bien, ainsi que dans la poésie orientale, arabe ou persane, une conséquence de la situation faite à la femme et qu’il importera d’examiner ; une question de commodité… De ces paroles de Gœthe, je veux retenir surtout ce qu’elles admettent de culture, disons plutôt : d’apprentissage, dans l’hétérosexualité. Il peut être en effet naturel que l’homme enfant, l’homme primitif cherche indistinctement le contact, la caresse, et non précisément le coït ; et même que certains, que beaucoup, soient plus déconcertés et rebutés par le mystère d’un autre sexe, à présent que l’attrait de plus aucun parfum ne les guide. (Vous voyez que je laisse tomber l’argument de la moindre beauté, car je ne pense pas que l’attrait sexuel doive nécessairement en dépendre.) Et sans doute certains pourront être irrésistiblement attirés par un sexe plutôt que par l’autre, comme explique Aristophane dans le Banquet de Platon, mais, même

  1. « Les amours étranges dont sont pleines les élégies des poètes anciens et qui nous surprenaient tant, et que nous ne pouvions concevoir sont donc vraisemblables et possibles. Dans les traductions que nous en faisions nous mettions des noms de femmes à la place de ceux qui y étaient. Juventius se terminait en Juventia ; Alexis se changeait en Xanthè. Les beaux garçons devenaient de belles filles ; nous recomposions ainsi le sérail monstrueux de Catulle, de Tibulle, de Martial et du doux Virgile. C’était une fort galante occupation qui prouvait seulement combien peu nous avions compris le génie antique. »

    Gautier, Mademoiselle de Maupin, t. II, chap. IX, pp. 13 et 14 (première édition).