Page:Gide - Corydon, 1925.djvu/107

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
105

écrivains à ma connaissance qui nous renseigne sur les mœurs de nos ancêtres : Bien que leurs femmes soient agréables, dit-il des Celtes, ils s’attachent fort peu à elles, tandis qu’ils manifestent une passion extraordinaire pour le commerce des mâles. Étendus sur les peaux de bêtes qui couvrent le sol, ils ont coutume de s’y rouler, ayant de part et d’autre un compagnon de couche.

— L’intention n’est-elle pas ici manifeste de discréditer ceux que les Grecs considéraient comme des Barbares ?

— Ces mœurs, alors, ne discréditaient point. Aristote, lui aussi, dans sa Politique, parle des Celtes, incidemment, et, après s’être plaint que Lycurgue ait négligé les lois relatives aux femmes, ce qui amène, dit-il, de grands abus, surtout lorsque les hommes sont portés à se laisser dominer par elles, disposition habituelle des races énergiques et guerrières. J’en excepte cependant, ajoute-t-il, les Celtes et quelques autres nations qui honorent ouvertement l’amour viril[1].

— Si ce que racontent vos Grecs est vrai, avouez que nous sommes revenus de loin !

— Oui, nous nous sommes un peu cultivés ; c’est là précisément ce que dit Goethe.

— Et vous m’invitez donc avec lui à considérer le pédéraste comme un arriéré, un inculte…

— Peut-être pas ; mais la pédérastie comme un instinct très naïf et primesautier.

— C’est là que cherchera sans doute son excuse cette inspiration si fréquemment homo-

  1. Aristote, Politique, II, 6 et 7.