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— Il n’en reste pas moins que le problème se pose, et que l’escamoter n’est pas le résoudre — si indigné qu’on soit par la solution que préconise Blum.

— Quel problème ?

— Il se rattache directement à ce que je vous disais avant-hier : Le mâle a beaucoup plus à dépenser qu’il ne convient pour répondre à la fonction reproductive de l’autre sexe et assurer la reproduction de l’espèce. La dépense à laquelle l’invite la Nature est assez incommode à régler et risque de devenir préjudiciable au bon ordre de la société telle que les peuples occidentaux la comprennent.

— D’où cette nostalgie du sérail, dans le livre de Blum, qui répugne ai-je dit à nos mœurs, à nos institutions occidentales, essentiellement monogames[1].

— Nous préférons le bordel.

— Taisez-vous.

— Disons : la prostitution. Ou l’adultère. Il n’y a pas à sortir de là… À moins de se redire avec le grand Malthus : La chasteté n’est pas comme quelques personnes le supposent, une vertu forcée : elle a son fondement dans la nature et dans la raison ; en effet cette vertu est le seul moyen légitime d’éviter les vices et le malheur que la loi de la population engendre.

— Évidemment, la chasteté est une vertu.

  1. Il est curieux de citer ici le mot de Napoléon : « La femme est donnée à l’homme pour qu’elle fasse des enfants. Or, une femme unique ne pourrait suffire à l’homme pour cet objet ; elle ne peut être sa femme quand elle nourrit ; elle ne peut être sa femme quand elle est malade ; elle cesse d’être sa femme quand elle ne peut plus lui donner d’enfants ; l’homme, que la nature n’arrête ni par l’âge ni par aucun de ces inconvénients, doit donc avoir plusieurs femmes. » Mémorial (juin 1816).